Envoyé au groupe par Njakpou Fabien
En cette fin d'avril 2010, l'actualité politique africaine n'est pas dominée par un fait ou un événement, mais par des doutes et des interrogations. Si l'on regarde vers l'avenir immédiat, on aperçoit en Afrique subsaharienne des élections qui pointent à l'horizon, mais sans aucune certitude. Qui parmi nous est aujourd'hui en mesure d'affirmer que l'élection présidentielle ivoirienne, reportée de trimestre en semestre depuis deux ans, aura lieu avant la fin de 2010?
Et qui peut dire, pour rester dans la même région, l'Afrique de l'Ouest, que les Guinéens, qui se sont donné, eux, un délai trop court, pourront, quoi qu'ils en disent, le tenir?
Et qui peut dire, pour rester dans la même région, l'Afrique de l'Ouest, que les Guinéens, qui se sont donné, eux, un délai trop court, pourront, quoi qu'ils en disent, le tenir?
Je serais étonné, pour ma part, qu'ait lieu en Guinée, à la date annoncée – le 27 juin prochain, dans un peu plus de deux mois –, le premier tour d'une élection présidentielle digne de ce nom.
C'est, en tout cas, me semble-t-il, le lieu et le moment de nous demander pourquoi en Afrique subsaharienne, à de trop rares exceptions près, les élections ne se tiennent pas à la date prévue et pourquoi, immanquablement, lorsqu'elles ont lieu, leurs résultats suscitent contestations et chicaneries ?
Est-ce par manque d'argent qu'on ne peut les organiser convenablement ? Est-ce par absence de savoir-faire ou de sens de l'organisation que les listes se révèlent incomplètes ou imparfaites le jour du scrutin, que les bureaux de vote ne répondent pas aux normes ?
Les observateurs étrangers mandatés pour évaluer la régularité des scrutins africains constatent que ces facteurs existent et jouent un rôle. Mais ils concluent, à l'unanimité, qu'ils ne sont pas les plus déterminants.
Ce qui empoisonne les élections africaines et les ternit au point de leur ôter leur signification est, en vérité, la volonté des candidats qui sont déjà au pouvoir de s'assurer, à tout prix, un résultat favorable.
Ils estiment nécessaire d'écarter le risque de perdre ce pouvoir et s'autorisent à tout faire – y compris à fausser le vote et son résultat – pour éloigner ce risque, car, à leurs yeux, la défaite est la catastrophe suprême et l'alternance une option inconcevable.
Face à cette attitude, il ne reste plus aux candidats issus de l'opposition, en général désunis et nombreux, qu'à essayer de gagner en… faussant eux aussi les résultats du vote.
Et, lorsqu'ils ont perdu, à contester le scrutin.
Les uns et les autres ont ainsi fabriqué un système où les règles du jeu sont allègrement transgressées et où la fraude a cessé d'être infamante.
Comment sortir de ce cercle vicieux ?
Que faire pour que l'alternance au pouvoir – devenue réalité au Sénégal en l'an 2000 quand Abdou Diouf accepta sa défaite, pratiquée à Maurice, au Bénin et dans deux ou trois autres pays subsahariens – gagne de proche en proche et devienne peu à peu la règle ?
Rendre la fraude difficile, voire impossible, comme l'ONU et les autres protagonistes de l'éventuelle élection présidentielle ivoirienne pensent l'avoir fait ? Sans doute. Mais n'est-ce pas – effet pervers – ce qui conduit les candidats, ou l'un d'eux à tout le moins, à réfléchir à deux fois avant d'affronter le verdict du scrutin ?
Récompenser financièrement les chefs d'État vertueux qui ont accepté les risques de l'alternance, comme le fait la Fondation Mo Ibrahim ?
Oui, bien sûr. Mais n'avons-nous pas constaté qu'elle n'a pas trouvé, l'an dernier, de vertueux ex-dirigeants à récompenser ?
Faire de « la fraude électorale » un crime dont pourrait se saisir la justice internationale ? Peut-être, mais outre que la preuve de culpabilité serait difficile à établir, il faudrait beaucoup de temps et d'efforts pour parvenir à mettre en place un tel système judiciaire.
Il serait, de plus, à la fois lourd, coûteux et d'une insupportable lenteur.
Ici, je pense qu'il faut se poser une nouvelle question : pourquoi cette démocratie, dont nous venons de voir qu'elle se dérobe encore devant la plupart des pays africains (et de l'ancien Tiers Monde), a-t-elle néanmoins pris racine dans certains d'entre eux, hélas trop peu nombreux ?
Pourquoi fonctionne-t-elle assez bien au Sénégal, au Bénin, en Afrique du Sud, comme par ailleurs en Inde, quatre pays où, facteurs éminemment défavorables, le revenu par habitant est très bas tandis que le taux d'analphabétisme est élevé ?
Certains pensent que ce sont là des exceptions qui confirment la règle selon laquelle la démocratie est fille du développement et de l'éducation.
C'est vrai, mais comment expliquer ces exceptions, et pourquoi se sont-elles nichées dans ces pays-là ?
La démocratie est, à mon avis, comme une plante ; elle peut éclore et pousser même sur une mauvaise terre : il faut et il suffit qu'elle ait assez d'eau et de soleil.
Si le système démocratique a pu se maintenir et se développer au Sénégal, au Bénin, en Afrique du Sud et en Inde – pays où la majorité de la population est encore pauvre et peu éduquée –, c'est qu'il a rencontré deux facteurs dont la somme a réuni les conditions nécessaires et suffisantes à son instauration :
1. la colonisation blanche l'y avait installé et l'avait fait fonctionner pendant plusieurs décennies, sans interruption. Elle l'a fait au profit d'une minorité, voire d'une oligarchie, mais la démocratie était installée et l'on y a goûté ;
2. se sont trouvés à la tête de ces pays, après la disparition du pouvoir blanc, des hommes d'État assez visionnaires pour vouloir le maintien de la démocratie et assez forts pour l'imposer.
Mais il fallait, de surcroît, que la démocratie fût leur idéologie et, pour eux, un choix stratégique : c'était bien le cas pour Nehru, Senghor et Mandela. (...) [Lire sur Jeune Afrique l'intelligent]
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