lundi 14 juin 2010

Crise de l'Occident

De Jeune Afrique Intelligent/ par Bechir Ben Yahmed
Envoyé au groupe par Njakpou Fabien

L'un après l'autre, les principaux acteurs de la scène internationale se résignent à faire ce qu'ils avaient juré d'éviter et s'emploient à justifier leur revirement. On les voit et on les entend changer de rôle.

La comparaison qui me vient à l'esprit est celle que l'on peut établir avec la dernière grande guerre, celle de 1939-1945 : j'imagine les observateurs de l'époque assistant, eux aussi, médusés, à des cascades d'événements inattendus et contradictoires.

Regardons ce qui se déroule sous nos yeux :

Pour mesurer la rapidité avec laquelle la situation a évolué, souvenons-nous d'abord d'une chose : lorsque l'actuel directeur général du Fonds monétaire international (FMI), le Français Dominique Strauss-Kahn, a été choisi, il y a près de trois ans, il prenait la tête d'une institution affaiblie et qui n'avait plus de rôle bien défini. Il a donc commencé par licencier quelques centaines de ses cadres désœuvrés, et l'on pensait alors que les autres s'occuperaient de pays de l'ex-Tiers Monde comme l'Argentine ou le Mexique.

Le FMI a aujourd'hui un rôle planétaire qu'il n'a jamais eu, à ce niveau, dans son histoire. Et de quels pays s'occupe-t-il en priorité ? De la Hongrie, de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne, pays de la zone euro que l'Européen DSK sermonne publiquement, met à la diète la plus sévère et rappelle à la discipline financière.

À la fin du mois de mai, les économistes du FMI étaient en mission de contrôle en Espagne, et l'on spéculait déjà sur le « plan de sauvetage » qu'ils étaient en train de concocter pour ce pays.

Le prérapport qu'ils ont rendu public a, en tout cas, le ton et le style d'une ordonnance médicale :
« L'économie espagnole a besoin d'un vaste plan de réformes touchant tous les secteurs. Le marché du travail souffre de dysfonctionnements graves et celui de l'immobilier est en déflation.

Le déficit fiscal est très important, l'endettement extérieur est alarmant, la productivité stagne et la compétitivité n'est pas au niveau. Quant au secteur bancaire, il recèle d'inquiétantes poches de faiblesse. »

On ne saurait être plus sévère et plus alarmiste. Et d'ailleurs, le ministre espagnol des Finances n'a fait que confirmer le diagnostic du FMI :
Parlant au nom du malade, il a reconnu que « l'analyse du FMI coïncide avec celle de son gouvernement ».

Il y a encore quelques mois, l'euro était la monnaie la plus solide et la plus recherchée. On le disait en train de supplanter le dollar dans les réserves des banques centrales ; il fallait 1,5 dollar pour acheter 1 euro.

Le voici maintenant traité avec suspicion au point que l'on se demande s'il sera encore là dans quelques années. En attendant, son cours ne cesse de baisser. Et voici le dollar, avec l'or, redevenu la monnaie refuge.
L'évolution est saisissante. Qui l'avait prévue ?

Pendant ce temps, le président de la Banque mondiale, l'Américain Robert Zoellick, doit constater lucidement que les temps ont vraiment changé.

Il y a dans le monde une nouvelle disparité, qui se creuse d'année en année. Mais, pour la première fois depuis deux siècles, elle est en défaveur des pays riches et développés.

« Les pays en voie de développement devraient afficher pour 2010 et 2011 une croissance moyenne de 6 %, plus de deux fois supérieure à celle des pays développés. Et d'ailleurs, depuis l'an 2000, les pays de l'ex-Tiers Monde ont contribué pour plus de la moitié au développement de la planète.

La crise financière de 2008 est née aux États-Unis et a essaimé dans les autres continents, tandis que celle de 2010 est d'origine européenne. Dans les deux cas, il s'est trouvé que ce sont les pays encore en développement qui ont fourni le carburant de la reprise.

« À l'exemple de ce qu'a fait la Chine à la fin des années 1990, d'autres pays en développement d'Asie, d'Amérique latine, du monde arabe et d'Afrique ont créé de la croissance en investissant massivement dans les infrastructures et dans ce qui améliore la productivité.

« Les pays développés d'Europe et d'Amérique ont certes besoin de mettre de l'ordre dans leurs finances. Mais ils ne peuvent retrouver la croissance dont ils ont cruellement besoin qu'à la faveur des opportunités économiques générées par le développement des pays de l'ex-Tiers Monde. »

Le président de la Banque mondiale est un économiste avisé et optimiste. Il nous dit, en somme : « Les temps ont vraiment changé, le monde est bien devenu un village, mais c'est désormais aux pays de l'ex-Tiers Monde d'être le moteur de sa croissance économique.

« Il faut non seulement cesser de les vitupérer, mais aussi les écouter, tenir compte de leurs intérêts vitaux et leur donner une place plus importante dans les organes de décision des institutions économiques internationales. »
Sera-t-il entendu ?

J'espère, pour ma part, que la crise économique et financière, qui cette fois frappe principalement et en premier lieu l'Occident au point qu'on peut dire qu'elle est sa crise, lui dictera une conduite de sagesse.

Les pays qui se croyaient riches et pensaient pouvoir se permettre de consacrer à leurs dépenses militaires une part démesurée de leur produit intérieur brut (PIB) devront songer à réduire ce gaspillage de leurs ressources.

On pense aux États-Unis et à leurs guerres aussi coûteuses qu'inefficaces. Mais savez-vous que la Grèce n'est au bord de la cessation de paiement que parce qu'elle consacre, chaque année depuis des décennies, plus de 6 % de son PIB à son budget défense ?

Pour se protéger de qui ? De la Turquie, membre de l'Otan comme elle et qui a cessé, depuis longtemps, d'être une menace, mais que les généraux grecs continuent à utiliser comme prétexte pour garder leurs prébendes…

Fort heureusement pour les deux pays, le Premier ministre turc vient de signifier à son homologue grec qu'il peut, en toute quiétude, ramener le budget militaire de son pays à un volume plus raisonnable… [Lire en integralite sur Jeune Afrique L'intelligent]

partager

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire